15
Mai 2021
Des pouvoirs d’ajournement et d’annulation d’une assemblée générale par le juge des référés
Le principe :
L’article 873 alinéa 1er du Code de procédure civile permet de saisir le juge des référés, même en présence d'une contestation sérieuse, pour lui demander de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Cet article confère au juge des référés des pouvoirs relativement étendus dès lors qu’il s’agit de prendre des mesures conservatoires ou des mesures de remise en état, ce qui conduit parfois à s’interroger sur la faculté de ce juge à prendre valablement certaines décisions.
Parmi l’actualité jurisprudentielle parue au 31 janvier 2021, la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur les pouvoirs du juge des référés en matière d’annulation d’une assemblée générale par arrêt du 13 janvier 2021.
L’application du principe à la demande d’ajournement d’une assemblée générale :
Aux termes d’une jurisprudence constante, il est acquis que l’ajournement d’une assemblée générale par le juge des référés est possible, lorsque des circonstances exceptionnelles existent, comme le risque d’annulation d’une délibération pour violation flagrante des règles de convocation.
La désignation d’un administrateur judiciaire a également pu être jugée comme constituant une circonstance exceptionnelle permettant un ajournement dès lors qu’elle est nécessairement prononcée, toujours en application d’une jurisprudence constante, qu’en présence de difficultés graves empêchant le fonctionnement de la société.
Il est également important de noter que le juge ne doit jamais se prononcer sur l’opportunité d’une décision des associés dès lors qu’il ne doit pas s’immiscer dans le fonctionnement d’une société.
Dans l’arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2021 précité, la Cour estimait que c’est valablement que le président d’une SAS avait pu saisir le juge des référés d’une demande de désignation d’un administrateur provisoire, qui s’accompagnait d’une demande d’ajournement de l’assemblée générale ayant pour ordre du jour sa révocation.
La Cour considérait en effet que la révocation du dirigeant intervenant concomitamment à la désignation d’un administrateur provisoire constituait un dommage imminent en ce qu’elle pouvait impliquer une perte de confiance des créanciers auprès de qui l’administrateur judiciaire avait une mission de négociation portant sur la gestion des dettes.
Pour contourner l’Ordonnance de référé, les actionnaires convoquèrent néanmoins une seconde assemblée générale quelques jours après, afin de statuer sur la rémunération du président selon l’ordre du jour officiel, mais avec inscription d’une nouvelle délibération concernant la révocation du président lors de la tenue de l’assemblée générale.
Ce faisant, le président ne disposait matériellement pas de la possibilité de saisir le juge des référés pour solliciter un nouvel ajournement.
L’application du principe à la demande d’annulation d’une assemblée générale :
La Cour d’appel statuant sur recours contre une Ordonnance de référé, a annulé la seconde assemblée générale révoquant le président en raison de la présence d’un trouble manifestement illicite tenant à la violation de la première ordonnance de référé.
La cour d’appel estimait à ce titre que seule l’annulation de l’assemblée était en mesure de faire cesser le trouble.
La Cour de cassation dans son arrêt du 13 janvier 2021 censurait cette position considérant qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d’annuler les délibérations d’une assemblée générale.
Elle confirmait ce faisant une position antérieure aux termes de laquelle l’annulation d’une assemblée générale ne constitue pas une mesure conservatoire, ni une mesure de remise en état, et que le juge des référés n’est par conséquent pas compétent pour la prononcer.
Il existait néanmoins une autre solution pour contourner cette problématique, et qui consistait à produire une demande de suspension des effets de l’assemblée générale litigieuse.
C’est par conséquent par l’introduction d’une demande de suspension, et non d’annulation, que le dirigeant évincé pourra saisir utilement le juge des référés lorsqu’une hypothèse similaire se présente.