31 Aoû 2018

stylo et calculette

De la transposition en droit français de la directive européenne 2016/943 du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués : première partie

La loi 2018 – 670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires a transposé en droit français la directive européenne 2016/943 du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués.

L’objet était d’apporter une protection uniforme du secret des affaires au sein de l’union Européenne dans un contexte où certains états membres ne disposaient pas de dispositions spécifiques dans leur droit interne.

Un nouveau Titre a été introduit dans le code de commerce français et s’intitule « de la protection du secret des affaires ».

Ce nouveau régime entrera en vigueur à la publication d’un décret d’application à venir.

Ce titre est divisé en deux chapitres comprenant chacun 4 sections, précisant le nouveau régime général de protection du secret des affaires : le chapitre premier sera consacré à l’objet et aux conditions de la protection fera l’objet du présent article ; le second chapitre sera consacré aux actions en prévention, en cessation ou en réparation d’une atteinte au secret des affaires et fera l’objet d’un prochain article à l’occasion d’une seconde partie.

Rappel de la législation antérieure à la loi 2018 – 670 du 30 juillet 2018 :
 
Antérieurement à la loi 2018 670 du 30 juillet 2018, il n’existait pas en droit français de définition du secret des affaires et la protection de ce secret relevait essentiellement du droit commun au travers de la responsabilité civile contractuelle ou délictuelle, de la notion de concurrence déloyale ou de parasitisme.

Outre la présence de dispositions dans le Code de la propriété intellectuelle, ou le Code de commerce.

Des décisions de justice ont été rendues en la matière considérant que les recherches, la technologie, le savoir-faire et l'expérience d'autrui pouvaient faire l'objet d'une protection au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.

Par exemple, peut-être constitutif de parasitisme économique « l'ensemble des comportements par lesquels un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir‐faire ».

 
(Cass. com., 26 janv. 1999 ; Cass. com., 30 janv. 2001)

Il peut également y avoir appropriation du travail d'autrui quand une entreprise utilise le projet d'un concurrent dont il a eu connaissance à l'occasion d'une phase précontractuelle ou contractuelle.
 
(Cass. com., 5 juill. 2006)

Outre, l'introduction d'actions de nature purement civile, la victime peut dans certains cas songer à s'orienter vers la voie pénale car le comportement du salarié peut caractériser le délit de vol ou celui d'abus de confiance.

La notion de secret des affaires dans la loi 2018 – 670 du 30 juillet 2018 :

Le nouvel article L 151 – 1 du code de commerce précise le champ d’application de la notion indiquant qu’est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :

 
  • Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité. 
 
  • Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret. 
 
  • Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.
Il ressort de ce texte que l’objet de l’information n’est pas une condition de la protection du secret des affaires : il pourrait ainsi s’agir d’un simple savoir-faire.

Il ressort également de cette définition du secret que le texte est relativement large et que la caractérisation de ce qui est secret ou non, fera l’objet de débat dans chaque cas particulier.

Une fois le secret défini, les textes précisent les cas dans lesquels l’obtention d’un secret constituera, ou non, une violation de la loi.

Les conditions d’obtention du secret des affaires et la notion de licéité :

Aux termes de la loi, il conviendra de déterminer si l’obtention d’une information secrète s’est produite de façon licite ou illicite.

Constituent par exemple des modes d'obtention licite d'un secret des affaires :

 
  • Une découverte ou une création indépendante ; 
  • L'observation, l'étude, le démontage ou le test d'un produit ou d'un objet qui a été mis à la disposition du public ou qui est de façon licite en possession de la personne qui obtient l'information, sauf stipulation contractuelle interdisant ou limitant l'obtention du secret.

En revanche, l'obtention d'un secret des affaires est illicite lorsqu'elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime et qu'elle résulte :
 
  • D'un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou dont il peut être déduit, ou bien d'une appropriation ou d'une copie non autorisée de ces éléments ; 
 
  • De tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale ; 
 
  • L'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret des affaires est aussi considérée comme illicite lorsque, au moment de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation du secret, une personne savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret avait été obtenu, directement ou indirectement, d'une autre personne qui l'utilisait ou le divulguait de façon illicite.

Les exceptions à la protection du secret des affaires :


Les nouvelles dispositions du code de commerce prévoient des exceptions la protection du secret des affaires, qui n’est pas un secret absolu. 

C’est notamment le cas dans les hypothèses suivantes :

 
  • Le secret des affaires n'est pas opposable lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l'Union européenne, les traités ou accords internationaux en vigueur ou le droit national, notamment dans l'exercice des pouvoirs d'enquête, de contrôle, d'autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives. 
 
  • A l'occasion d'une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n'est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue:
Pour exercer le droit à la liberté d'expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, et à la liberté d'information ;

Pour révéler, dans le but de protéger l'intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, y compris lors de l'exercice du droit d'alerte défini à l'article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ;


Pour la protection d'un intérêt légitime reconnu par le droit de l'Union européenne ou le droit national.
 
  • L'obtention ou la divulgation du secret des affaires est intervenue dans le cadre de l'exercice du droit à l'information et à la consultation des salariés ou de leurs représentants.

Dans un prochain article, seront présentées les mesures procédurales mises en place pour assurer une protection effective au secret des affaires.
 
Nasser MERABET
Avocat
contact@selarlccbs.fr