04 Jui 2017

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Des limites à l’obligation de mise en garde du prêteur de deniers

Dans quel cadre juridique s’inscrit l’obligation de mise en garde ?

Les banques sont soumises à des obligations contractuelles et extracontractuelles découlant du droit commun des contrats et doivent respecter un certain nombre d’autres devoirs, plus spécifiques, parmi lesquels figurent le devoir d’information, de conseil et de mise en garde.

Ces obligations ont une origine prétorienne et trouvent leur source dans les articles 1134 alinéa 3 et 1135 et 1147 du Code civil dans leur version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats (Voir par exemple : Cour de Cassation, Chambre Mixte, 29 juin 2007 N° de pourvois 05-21104 et 06-11673).

Il ne s’agit toutefois pas d’obligations générales et absolues qui s’appliqueraient en toutes circonstances.

D’une part, ces obligations s’appliquent au profit des emprunteurs non avertis ; d’autre part, le champ d’application de l’obligation de mise en garde est restreint.

La portée de l’obligation de mise en garde du prêteur :

Par arrêt du 20 avril 2017 (n° de pourvoi 15-16316) la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler la portée de l’obligation de mise en garde du prêteur de deniers.

S’il est aujourd’hui acquis que les banques sont tenues de mettre en garde les emprunteurs sur les risques d’endettement liés à l’octroi de prêts, cette obligation ne leur impose pas, en revanche, de mettre en garde leurs clients sur les risques de l’opération financée par le prêt (Voir également en ce sens : Cour de cassation, chambre commerciale, arrêt du 1er mars 2016 n° de pourvoi 14-22582).

Dans l’arrêt du 20 avril 2014 (pourvoi 15-16316), une SCI souscrivait quatre prêts moyennant un taux d'intérêt nominal révisable.

Soutenant que la banque avait manqué à ses devoirs d'information et de mise en garde quant au caractère variable du taux d'intérêt stipulé dans les prêts initiaux, la société a assigné la banque en paiement de dommages-intérêts.

La Cour de cassation confirmait l’arrêt d’appel en ce qu’il avait rejeté les demandes de la SCI, rappelant que :

« Mais attendu, en premier lieu, que l'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et non sur les risques de l'opération financée (…) »

La Chambre commerciale confirmait ainsi clairement une position antérieure qu’elle avait déjà eu l’occasion de rappeler un son arrêt du 1er mars 2016 (pourvoi 14-22582) :

« Mais attendu que l'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard de l'emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et non pas sur l'opportunité ou les risques de l'opération financée (...) ».

En la matière, les emprunteurs, s’ils bénéficient d’un régime probatoire favorable (la charge de la preuve du respect de l’obligation incombant à la banque - voir par exemple : Cour de cassation, chambre commerciale, 11 décembre 2007, pourvoi: 03-20747) devront néanmoins veiller à produire une argumentation circonstanciée au soutien de leurs demandes de dommages et intérêts, et ne pas se borner à invoquer de façon abstraite le manquement à une « obligation générale d’information, de conseil et de mise en garde ».
 
Nasser MERABET
Avocat
contact@selarlccbs.fr