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Oct 2020
De la distinction entre les notions de cessation des paiements et d’insuffisance d’actif
Définition de la cessation des paiements :
Le débiteur dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible est en cessation des paiements.
Le débiteur qui établit toutefois que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements.
Définition de la faute de gestion :
Il n’existe pas définition légale de ce que constitue une faute de gestion et l’appréciation de ce qui constitue ou non une faute relèvera du cas par cas.
Le Code de commerce évoque toutefois les infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables, la violation des statuts, ou encore les fautes commises dans la gestion.
Définition de l’action en comblement de passif :
Il ressort de l’article L.651-2 du Code de commerce que le dirigeant qui commet une faute de gestion contribuant à l’insuffisance d’actif d’une entreprise engage sa responsabilité et peut être condamné à supporter en tout ou partie cette insuffisance d’actif.
Cet article dispose que :
« Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée ».
Sur la date d’appréciation et la qualification de la notion d’insuffisance d’actif :
L’insuffisance d’actif s’apprécie en principe au moment où le juge statue sur l’action en responsabilité et correspond à la différence entre le montant du passif admis et celui de l’actif réalisé.
Plusieurs décisions de la Cour de cassation ont toutefois eu l’occasion de préciser qu’en cas de démission du dirigeant antérieurement à l’ouverture de la procédure, l’insuffisance d’actif doit s’apprécier au regard de la situation de l’actif et du passif au jour de la cessation de ses fonctions.
Dans une décision du 24 mai 2018, la Cour de cassation a, en outre, eu l’occasion de rappeler que la notion de cessation des paiements ne se confond pas avec celle d’insuffisance d’actif.
Dans cet arrêt, un Président de SASU cédait ses actions et démissionnait de ses fonctions de dirigeants.
Quelques mois après cette démission, la société a été mise en redressement puis en liquidation judiciaire, avec une date de cessation des paiements qui a été fixée antérieurement à la date de cession des actions.
L’ancien dirigeant a été poursuivi sur le fondement de l’action en insuffisance d’actif, et il convenait, pour entrer en voie de condamnation, de déterminer non seulement une faute de gestion, mais également d’établir une insuffisance d’actif au jour de la démission du dirigeant.
Pour ce faire, la Cour d’appel considérait que le report de la date de cessation des paiements à une date antérieure à la cession des actions du dirigeant et associé unique de l’entreprise suffisait à établir que la situation financière de l’entreprise était compromise, ce qui caractérisait l’insuffisance d’actif.
Dans sa décision du 24 mai 2018, la Cour de cassation censurait cette position pour le motif suivant :
« Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle ne pouvait déduire de l’état de cessation des paiements de la société, constitué par l’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible, la preuve de l’existence d’une insuffisance d’actif, laquelle s’apprécie au regard de la situation globale du passif et de l’actif de la société, à la date de la démission du dirigeant, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
La Cour de cassation rappelle ainsi que les notions de cessation des paiements et d’insuffisance d’actif ne doivent pas être confondues, aux termes d’une position qui semble justifiée :
- L’actif disponible est en effet l’actif qui permet immédiatement de payer : ce sont les disponibilités en banque ou en caisse, les découverts autorisés pour la partie non utilisée, et les réserves de crédit : cette notion s’envisage ainsi essentiellement au regard de la trésorerie de l’entreprise, sans prise en compte des actifs immobilisés comme la valeur du fonds de commerce par exemple ;
- L’insuffisance d’actif prend en compte l’ensemble des actifs réalisables : ce qui implique la prise en compte de l’actif immobilisé notamment, ou encore des créances à terme.
En d’autres termes, il est des cas dans lesquels une entreprise peut être en état de cessation des paiements, et disposer des actifs nécessaires pour apurer l’ensemble du passif admis.
Nasser MERABET
Avocat
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