31 Oct 2016

stylo et calculette

Comparaison des règlements 44/2001 du 22 décembre 2000 et 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale

L’objet du présent article est d’offrir une présentation des principales modifications apportées par le règlement 1215/2012, successeur du règlement 44/2001, et qui est entré en vigueur le 10 janvier 2015.
 
Les clauses de prorogation de compétence :
 
Le règlement 44/2001 exigeait que l’une des parties soit domiciliée sur le territoire de l’Union Européenne pour qu’une clause de prorogation de compétence soit considérée valable.
 
Dorénavant ce n’est plus le cas.
 
L’ancienne mention figurant à l’article 23 du règlement 44/2001 : « si les parties, dont l’une au moins à son domicile sur le territoire d’un Etat membre (…) » a été remplacée, à l'article 25 du règlement 1215/2012, par la mention suivante : « les parties, sans considération de leur domicile (…) ».
 
L’information du consommateur, de l’assuré, et du travailleur salarié de leur droit de contester la compétence de la juridiction :
 
L’article 26 § 2 du règlement 1215/2012 contient une nouvelle mention relative à l’information de certains défendeurs de leur droit de contester la compétence de la juridiction saisie.
 
Lorsque le preneur d’assurance, l’assuré, un bénéficiaire du contrat d’assurance, la victime, le consommateur ou le travailleur est le défendeur, la juridiction doit s’assurer, avant de se déclarer compétente, que le défendeur est informé de son droit de contester la compétence de la juridiction et des conséquences d’une comparution ou d’une absence de comparution.
 
La juridiction choisie par les parties aux termes d’une prorogation de compétence a priorité pour statuer sur sa compétence :
 
Cette nouvelle disposition est prévue par l’article 31 du règlement 1215/2012 :
 
« lorsqu’une juridiction d’un État membre à laquelle une convention visée à l’article 25 attribue une compétence exclusive est saisie, toute juridiction d’un autre État membre sursoit à statuer jusqu’à ce que la juridiction saisie sur le fondement de la convention déclare qu’elle n’est pas compétente en vertu de la convention ».
 
La litispendance :
 
Définition commune de la notion de saisine d’une juridiction :
 
L’article 32-1 du règlement 1215/2012 complète l’article 30 du règlement 44/2001 pour préciser les différents modes de saisine des juridictions dans l’Union Européenne, cela afin de fixer de façon commune à quel moment intervient une saisine.
 
Une juridiction est ainsi réputée saisie :
 
 
  1. « à la date à laquelle l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n’ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu’il était tenu de prendre pour que l’acte soit notifié ou signifié au défendeur; ou
 
  1. si l’acte doit être notifié ou signifié avant d’être déposé auprès de la juridiction, à la date à laquelle il est reçu par l’autorité chargée de la notification ou de la signification, à condition que le demandeur n’ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu’il était tenu de prendre pour que l’acte soit déposé auprès de la juridiction ». 
 
Intégration d’une nouvelle distinction entre litispendance au sein de l’Union Européenne, et litispendance avec un Etat tiers :
 
Cette distinction est prévue par l’article 33.
 
Le juge de l’Etat membre va devoir analyser la décision à intervenir dans l’Etat tiers afin de juger s’il peut ou non surseoir à statuer.
 
Lorsqu’une procédure est pendante devant une juridiction d’un État tiers au moment où une juridiction d’un État membre est saisie d’une demande entre les mêmes parties ayant le même objet et la même cause que la demande portée devant la juridiction de l’État tiers, la juridiction de l’État membre peut surseoir à statuer si:
 
  • La juridiction de l’État tiers est susceptible de rendre une décision qui pourra être reconnue et, le cas échéant, exécutée dans ledit État membre ;
 
  • Ou, lorsque la juridiction de l’État membre est convaincue que le sursis à statuer est nécessaire pour une bonne administration de la justice.
 
La juridiction de l’État membre peut poursuivre l’instance à tout moment si :
 
  • L’instance devant la juridiction de l’État tiers fait elle-même l’objet d’un sursis à statuer ou d’un désistement ;
 
  • La juridiction de l’État membre estime que la procédure devant la juridiction de l’État tiers ne pourra vraisemblablement pas être conclue dans un délai raisonnable ;
 
  • La poursuite de l’instance est indispensable à une bonne administration de la justice.
 
La juridiction de l’État membre met fin à l’instance si la procédure devant la juridiction de l’État tiers est conclue et a donné lieu à une décision qui est susceptible d’être reconnue et, le cas échéant, d’être exécutée dans ledit État membre.
 
La juridiction de l’État membre applique le présent article soit à la demande d’une des parties, soit d’office, lorsque cette possibilité est prévue par le droit national.
 
La connexité :
 
Comme pour la litispendance, le règlement 1215/2012 distingue connexité entre juridictions de l’Union Européenne et connexité avec un Etat tiers.
 
Lorsqu’une action est pendante devant une juridiction d’un État tiers au moment où une juridiction d’un État membre est saisie d’une demande connexe à celle portée devant la juridiction de l’État tiers, la juridiction de l’État membre peut surseoir à statuer si :
 
  • Il y a intérêt à instruire et juger les demandes connexes en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément;
 
  • L’on s’attend à ce que la juridiction de l’État tiers rende une décision susceptible d’être reconnue et, le cas échéant, d’être exécutée dans cet État membre ;
 
  • La juridiction de l’État tiers concernée est convaincue que le sursis à statuer est nécessaire pour une bonne administration de la justice.
 
La juridiction de l’État membre peut poursuivre l’instance à tout moment si :
 
  • Elle estime qu’il n’existe plus de risque que les décisions soient inconciliables ;
 
  • L’instance devant la juridiction de l’État tiers fait elle-même l’objet d’un sursis à statuer ou d’un désistement ;
 
  • Elle estime que la procédure devant la juridiction de l’État tiers ne pourra vraisemblablement pas être conclue dans un délai raisonnable ; ou
 
  • La poursuite de l’instance est indispensable à une bonne administration de la justice.
 
La juridiction de l’État membre peut mettre fin à l’instance si la procédure devant la juridiction de l’État tiers est conclue et a donné lieu à une décision qui est susceptible d’être reconnue et, le cas échéant, d’être exécutée dans ledit État membre.
 
La juridiction de l’État membre applique le présent article soit à la demande d’une des parties, soit d’office, lorsque cette possibilité est prévue par le droit national.
 
Reconnaissance et exécution des décisions rendues par les juridictions des Etats Membres :
 
L’article 39 du règlement 1215/2012 supprime la procédure sur requête et le contrôle formel de l’article 38 du règlement 44/2001.
 
Une décision rendue dans un Etat membre, et qui est exécutoire dans cet Etat membre, dispose dorénavant de la force exécutoire dans les autres Etats membres sans qu’une déclaration constatant la force exécutoire soit nécessaire.
 
Une nouvelle section 3 « refus de reconnaissance et d’exécution » précise la procédure à suivre et les motifs invocables afin de s’opposer à la reconnaissance ou à l’exécution de la décision rendue dans un Etat membre.
 
 
Nasser Merabet
Avocat
contact@selarlccbs.fr